Panorama des médias sociaux 2018

Quand j’ai lancé la première version de mon panorama des médias sociaux en 2007, je ne me serais jamais douté que le secteur connaitrait autant de chamboulements, en tout cas pas suffisamment pour justifier une nouvelle version tous les ans. Et pourtant, nous en sommes déjà à la dixième version. Plus de jamais, les médias sociaux occupent une place prépondérante dans le quotidien de milliards d’utilisateurs, attirant la convoitise des géants numériques US, mais également asiatiques. Des médias sociaux toujours plus puissants, mais également toujours plus critiqués, à l’image de Facebook avec l’affaire Cambridge Analytica qui risque de marquer une date dans l’histoire du web. Je vous propose de faire le point sur les évolutions des derniers mois et d’avoir une vision d’ensemble pour essayer de voir dans quelle direction évoluent les pratiques.

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Un scandale chasse l’autre

Les 12 derniers mois ont été particulièrement riches pour les médias sociaux. L’année passée a notamment été marquée par de vastes mouvements citoyens comme #BalanceTonPorc, #MeToo, #BlackLivesMatter ou plus récemment #DeleteFacebook. Preuve que des plateformes sociales comme Facebook, Twitter ou Telegram sont devenues de véritables supports d’expression citoyenne et politique. Pour le meilleur et pour le pire, car les derniers mois ont également été marqués par le scandale Cambridge Analytica. Une affaire qui dépasse nettement l’ampleur des précédents scandales (comptabilisation erronée des vidéos vues sur Facebook, monétisation des contenus sur YouTube, prolifération des bots sur Twitter… cf. Les grandes plateformes sociales en pleine crise de croissance).

Ceci étant dit, le ramdam médiatique est rapidement retombé et les derniers résultats trimestriels ont prouvé que Facebook est plus puissant que jamais : Facebook beats in Q1 and boosts daily user growth to 1.45B amidst backlash. Et pour définitivement clore le sujet, ils ont même publié une vidéo façon mea-culpa-on-fera-mieux-la-prochaine-fois :

Au final, la vague de critiques sur les médias sociaux et leur gestion de la confidentialité est avant tout un épiphénomène qui n’intéresse que les journalistes et les intellectuels (Can Social Media Be Saved?Les réseaux sociaux constituent la plus grande menace géopolitique depuis la crise de Berlin et The death of the newsfeed). Non, les médias sociaux ne sont pas morts, bien au contraire, ils représentent un maillon essentiel de notre quotidien. Et ce n’est pas près de s’arrêter : Why teens aren’t partying anymore.

Les médias sociaux sont le nouvel opium du peuple

Tous les ans, on nous annonce un plafonnement de l’audience des médias sociaux (moi le premier), et tous les ans elle augmente. Quatre plateformes sociales revendiquent une audience supérieure à un milliard d’utilisateurs, bientôt cinq avec Instagram. Comme quoi, il ne faut pas sous-estimer la capacité des grandes plateformes, et en particulier de Facebook, à trouver de nouveaux leviers de croissance (Facebook domine en maître sur les réseaux sociaux).

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Comme vous pouvez le constater, Facebook règne en maître sur les médias sociaux, et sa domination n’est pas près d’être remise en question. En ce qui concerne la typologie de l’audience, si les jeunes représentent la tranche la plus consommatrice, la moyenne d’âge se maintient à 42 ans, avec une parfaite diversité des profils : Portrait robot du socionaute en 2018.

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En synthèse : les médias sociaux sont installés durablement dans nos pratiques de consommation média (De la place des médias sociaux dans un dispositif de communication global), et leur mainmise sur les smartphones n’a fait qu’augmenter notre dépendance.

Un panorama dominé par 5 acteurs

Cela fait 6 ans que je positionne Facebook, Twitter et Google au centre de mon panorama. Cette année, j’apporte un peu de changement à ce trio de tête pour mieux coller aux récentes évolutions.

Inutile de parler de Facebook, je l’ai déjà fait l’année dernière (Comment Facebook s’est transformé pour devenir le média dominant du XXIe siècle). De plus, qui peut espérer concurrencer une plateforme qui affiche 2,2 milliards d’utilisateurs ?

Cette année, j’ai remplacé le logo de Google par celui de YouTube, ce qui reflète nettement mieux la réalité : une domination sans partage sur le créneau de la vidéo, mais une présence globale sur les médias sociaux qui reste éclatée entre différents services (Blogger, Gmail…). Avec ses 1,8 milliard d’utilisateurs, YouTube est incontestablement le roi de la vidéo en ligne, mais sa plateforme est régie par une dynamique communautaire très différente de celle de Facebook, malgré le lancement de fonctionnalités similaires (YouTube is launching its own take on Stories with a new video format called ‘Reels’).

Malgré une base d’utilisateur nettement inférieure (à peine 340 M), Twitter reste néanmoins la référence pour les personnalités publiques, les journalistes… Véritable caisse de résonance, Twitter est incontestablement l’outil médiatique ultime pour celles et ceux qui veulent diffuser rapidement de l’information. De plus, la plateforme de microblogging renoue avec la croissance et les bénéfices pour le second trimestre d’affilée : Twitter beats expectations with $665M in revenue amid its turnaround hopes.

Impossible de faire l’impasse sur LinkedIn tant la plateforme s’est transformée : de réseau social BtoB, le service racheté par Microsoft l’année dernière est devenu un véritable hub pour les contenus et les services professionnels. Pour vous rendre compte du chemin parcouru, c’est ici : LinkedIn Is 15 Years Old Today. Avec ses 500 M de membres et quasiment pas de concurrence sur son créneau, LinkedIn mérite amplement sa place au centre de mon panorama.

Enfin, j’ai ajouté Instagram au centre de mon panorama, car c’est incontestablement l’étoile montante des médias sociaux, la plateforme sociale où il faut voir et être vu. Un statut mérité par des équipes qui travaillent d’arrache-pied pour livrer quasiment une nouvelle fonctionnalité toutes les semaines (dernières en date : Instagram launches video chat et Instagram quietly launches payments for commerce). Malheureusement, le succès d’Instagram s’accompagne de son lot d’arnaques (Meet the wolves of Instagram) et de dérives (Real People Are Turning Their Accounts Into Bots On Instagram, And Cashing In). Peut-être est-là un excellent indicateur de succès…

J’ai longtemps hésité à placer au centre des messageries mobiles comme WhatsApp et Facebook Messenger qui sont terriblement populaires, mais ne proposent pas la même couverture fonctionnelle que les plateformes du centre. WeChat est un cas à part, car c’est une application bicéphale (il ya la version occidentale et la version chinoise) et car son succès en occident reste encore à prouver.

En embuscade, il y a Snapchat, dont l’audience plafonne (Snapchat slips in Q1 to its slowest user growth rate ever), mais qui reste très convoitée. Qu’importe les chiffres, SnapChat n’ambitionne pas de devenir le nouveau Facebook, mais de réinventer les usages mobiles (Snapchat launches AR selfie games called Snappables), notamment grâce à leurs lunettes connectées dont ils viennent de sortir une nouvelle version (Snapchat launches Spectacles V2). Encore une fois, si le nombre d’utilisateurs est nettement inférieur aux autres messageries mobiles, notamment WhatsApp, l’influence de SnapChat sur les autres plateformes est indéniable (Stories are about to surpass feed sharing), de même que sur le monde des médias (Snapchat : le pirate de la Silicon Valley qui bouleverse les médias).

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On retrouve également de nombreuses plateformes qui restent dans l’ombre malgré des centaines de millions  d’utilisateurs :

Bref, les médias sociaux connaissent une croissance globale de leur audience, au détriment des médias traditionnels, mais la hiérarchie reste grosso modo inchangée.

À l’Ouest, rien de nouveau (par contre à l’Est…)

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais on nous annonce régulièrement un nouveau réseau social censé détrôner les acteurs en place. Ça a commencé avec Ello en 2014 (Ello Raises $5.5 Million to Grow Its Ad-Free Social Network), puis avec Mastodon l’année dernière (Découvrez Mastodon, un clone de Twitter libre, open source et décentralisé), et plus récemment avec Vero (Le nouveau réseau social qui n’exploite pas les données de ses utilisateurs). Toutes ces initiatives connaissent un succès d’estime auprès des initiés (community managers et blogueurs), mais ne parviennent pas à décoller tant les positions sont durs à prendre. Les deux dernières initiatives en date ont connu une fin de parcours chaotique : Mastodon is big in Japan. The reason why is… uncomfortable et Comment Vero est devenue appli non grata en 24h.

De même, il y a toujours une ribambelle de nouvelles applications destinées aux ados dont on prévoit un avenir radieux (tbh, MSQRD, Sarahah, WattPad…) mais qui franchissent rarement l’Atlantique ou se font racheter en catimini (Facebook acquires video filter app Msqrd to square up to SnapchatFacebook acquires anonymous teen compliment app tbh, will let it run). Donc là encore, pas de changements notables.

Face à cet immobilisme, les acteurs de seconde zone se font racheter pour consolider les audiences et essayer d’exister à côté des géants :

Ces rachats sont monnaie courante, mais ce qui est en revanche nouveau, ce sont ces nombreuses prises de participation très agressives par des géants numériques chinois :

En ce qui concerne les formats de contenus utilisés sur les médias sociaux :

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Voilà pour les faits notables de l’année écoulée, passons maintenant à la nouvelle version du panorama.

Un écosystème très dense de services en ligne et applications mobiles pour publier, partager, discuter, collaborer, réseauter…

12 mois après, la nouvelle version de mon panorama des médias sociaux reprend le format circulaire de la précédente version.

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Comme vous pouvez le constater, nous retrouvons plus ou moins les mêmes plateformes que l’année dernière avec une plus forte densité du fait de l’intégration de nouvelles catégories. Sinon, les différents services sont toujours répartis autour de six grands usages :

Inutile de compter, je l’ai fait pour vous, nous avons là près de 120 services représentatifs de la diversité des médias sociaux. Ou du moins, des plateformes sociales occidentales, car je n’ai pas du tout abordé les services asiatiques, africains…

Si vous souhaitez avoir d’autres représentations, je peux vous recommander la Social Media Map, la World Map of Social Networks ou le Conversation Prism.

Au final, nous constatons au fil des années des plateformes, des pratiques et des formats de plus en plus diversifiés, mais une concentration toujours plus forte sur deux acteurs (Google et Facebook). Un phénomène de concentration qui semble naturel, car on le retrouve également en Chine (The Evolution of Chinese Social Media in 2017).

Je vous donne rendez-vous l’année prochaine pour voir si ce phénomène se confirme.

Merci à Stéphane et Mathieu pour leur contribution.

11 commentaires sur “Panorama des médias sociaux 2018

  1. Passionnant article.
    Le classement des réseaux sociaux est il un classement français ou mondial ?
    L’unité est en milliards d’utilisateurs ?
    Merci par avance.
    D. Charvériat

  2. Comme tous les ans je viens me nourrir de ton panorama, que je diffuse aussi bien à mes élèves qu’à mes équipes ou clients (en te citant of course) mais je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de te remercier… donc MERCI beaucoup pour ce super travail, Fred !!!!! T’es au top !
    Arno Le roux

  3. En tous cas, merci pour toutes ces informations intéressantes et pertinentes que j’utilise depuis le début pour mon information personnelle et dans le cadre de mes formations…
    Dans cette infobésité, votre travauil est précieux.

    Philippe Lemauff

  4. Je trouve votre travail très pertinent. Vos infographies sont très bien pensées et je les utilise dans le cadre de mes cours à l’Université ou dans le cadre de formations que je dispense auprès des professionnels.
    Merci beaucoup pour l’intérêt que vous portez aux usages des médias sociaux et pour votre connaissance bien réelle du sujet.

  5. Joli travail. Toutes mes félicitations. Je me demande comment on procède pour avoir de telles informations pour faire un tel classement. En un mot quelle est la méthodologie utilisée?

  6. Toutes mes félicitations pour l’effort et le panorama qui résume tout.

  7. Bonjour,
    En tant que JobCoach, accompagnatrice de trajet de réinsertion de personnes licenciées, je dois qqfois convaincre les candidats de l’utilité des média & réseaux sociaux, en recherche d’emploi.
    GRAND MERCI pour ce panorama que vous mettez à disposition et qui me permet – en vous citant – de communiquer des chiffres & leurs évolutions…
    HAPPY weekend! ;-)

  8. Bravo car comme toujours les informations sont utiles et pertinentes. Merci pour les articles réguliers qui me permettent une mise a jour de mes outils et infos a destination des personnes que j’accompagne. Clara

  9. Bonjour
    merci pour votre article.
    Ai-je bien compris : 84 % des jeunes de 12-17 ans sont des socionautes en France ?

  10. J’ai pratiquement le même nom de vous, les grands esprits se rencontre.

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